Lieux

La zone située entre le lit de l’Adour, Bayonne la cité historique et Biarritz, le port de pêche devenu station touristique de renommée internationale, est peut-être celle sur tout le territoire du Pays basque qui a connu au cours des dernières décennies la mutation de son paysage et de sa nature la plus radicale, témoin également du destin de toute la côte basque. Ce triangle correspond grosso modo à la commune d’Anglet, vaste espace de 27 km² fortement marqué par l’Océan et le fleuve Adour qui le délimitent.

L’histoire d’Anglet est un mouvement incessant pour occuper et aménager les marécages et les bas-fonds, les assécher et les transformer en terres agricoles et terrains d’élevage, lent et patient processus précédant une urbanisation à la fois tardive et massive.

Un « arrière-pays » pour Bayonne

Les attestations de peuplement sur le territoire d’Anglet datent du Moyen-âge (11 et 12e siècles), et évoquent une église à Berindos (Brindos aujourd’hui), ainsi qu’un domaine rural. D’autres domaines ou lieux-dits sont signalés à partir de cette époque, tels Balichon, Beyris, Aritxague, la paroisse de Saint-Léon, le port de Hausquette.

Il s'agit d'un vaste territoire rural dominé par une topographie faite de reliefs (plateaux et terrasses comme ceux de Brindos et Sutar où s’installèrent les premiers noyaux de peuplement) et de parties basses (dunes littorales, barthes fluviales et cours d'eau). Il est couvert d'exploitations agricoles diverses, de bois, de vergers, de vignes et de moulins, et vivait de l'agriculture et de l'élevage bovin.

Il s'agit, plus que d'une seule entité, d'un ensemble de différents quartiers, à l’organisation paroissiale peu dense, et bien peu en mesure de rivaliser avec Bayonne, ville épiscopale, vicomtale et marchande.

De fait, Anglet assure naturellement l’approvisionnement de la cité-capitale. Ses domaines ruraux les plus riches sont habituellement la propriété de bourgeois bayonnais. Par ailleurs, nombre de ses barthes servent au pacage des bœufs des bouchers de Bayonne et pour la coupe du jonc, servant de litière aux animaux. Ces terres sont l'objet de rivalités nombreuses entre les deux localités, pour leur propriété ou le contrôle de leurs précieuses ressources.

L’embouchure de l’Adour et ses bouleversements

16e siècle

Un changement important, qui remodèle l’organisation géographique de cette zone, est le changement du cours de l’Adour à la fin du XVIème siècle.

L’Adour avait un lit assez fluctuant, pouvant errer jusqu’à Vieux-Boucau et Capbreton. Tout au long du XVIe siècle, le commerce à Bayonne décline en raison de l'éloignement de l'embouchure et surtout de l'ensablement de la Barre qui empêche les gros navires de rentrer dans l'estuaire. A partir des années 1570, l’ingénieur Louis de Foix fait creuser au prix de nombreux efforts demandés à la main-d'œuvre locale une embouchure au droit de Bayonne, où passe selon les saisons et les caprices du temps un bras du fleuve.

Le 25 octobre 1578 une violente tempête déclenche le « détournement » de l'Adour : la Nive déferle en une crue subite, menaçant d'engloutir toute la ville de Bayonne, et pousse l'Adour en ouvrant un nouveau passage vers l'océan.

Dès lors Bayonne voit son port reprendre une plus grande activité, La pêche à la morue et à la baleine assurent la richesse des pêcheurs et des armateurs jusqu’à la fin du XVIIe.

Pour autant, et pendant encore près de deux siècles, le tracé de l’Adour côtier reste très incertain.

Une terre agricole

Ce territoire offre une grande diversité de sols et d’usages agricoles, qui connaît une évolution marquée jusqu’au XXe siècle.

Les barthes de Beyris et de Balichon

Cette zone auprès des rives de l’Adour permettait autrefois l'écoulement de nombreux cours d'eau marécageux. Ces terres basses étaient recouvertes durant les grandes marées d’équinoxe, et furent des terres de pacage prisées. Elles étaient louées aux bouchers de Bayonne, mais aussi à des bergers de la vallée d’Aspe.

Aménagement et urbanisation intensifs

Anglet se trouve sur la route de Biarritz, où l’attrait des bains de mer commence dès le XVIIIe siècle et voit l’affluence grandissante des bourgeois de Bayonne mais aussi d’une clientèle étrangère, notamment espagnole et anglaise.

1771 - Carte de Cassini

Longtemps le chemin qui conduit de Bayonne à Biarritz, partiellement tracé dans le sable et creusé de fondrières, est resté difficilement praticable, et emprunté essentiellement par les cacolets pour transporter les amateurs de bord de mer. Cependant, en vue de la visite en 1828 de la duchesse du Berry (mère de l’héritier de la couronne de France), ce chemin est aménagé et devient une belle route, qui sera rapidement très fréquentée par les diligences, omnibus, et autres calèches.

Fin du XXème siècle : une couverture urbaine achevée

A partir des années 50, après une période de crise économique et de guerres, avec la fin du franquisme également, le tourisme reprend peu à peu dans la région. De La Barre jusqu’à la Chambre d’Amour, les kilomètres de plages d’Anglet redeviennent un argument hautement attractif pour les touristes de toutes origines. C’est aussi une époque de reconstruction et de développement matériel : elle voit l’arrivée de l’aéroport international (1954) à Biarritz-Parme, puis de l’A63 en 1972.

A la fin du XXe siècle, on observe désormais une urbanisation continue entre Biarritz, Anglet, Bayonne, devenues une même agglomération. Anglet se caractérise par une organisation urbaine étonnamment morcelée qui s’explique finalement fort bien par la division de ses prairies, vergers et domaines agricoles en lots vendus successivement pour être aménagés et construits.

De son passé agricole ne demeurent encore visibles aujourd’hui sur les cartes que quelques trouées vertes : la forêt de Chiberta, modeste héritage de la vaste pinède de Gibraltar, les terres agricoles de l’institution Notre-Dame du Refuge où les religieuses disposent de 15 hectares de pins et de champs de maïs, enclave rurale au sein de l'agglomération, quelques parcs et jardins, reliquats des grands domaines d’autrefois.

Clin d'œil à ce patrimoine agricole avec lequel Anglet voudrait renouer, des tentatives sont menées depuis quelques années pour réintroduire la culture de la vigne sur le sable des dunes, ce qui aurait de surcroît l’intérêt de stabiliser l’arrière d’un littoral depuis toujours inconstant.

Bibliographie

  • P. Laborde, “L’histoire de Biarritz”. Elkar, 2019
  • Manex Goyhenetche, “Histoire d’Anglet des origines à nos jours”. Elkar, 2003.
  • Anglet, article Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anglet (consulté 14/08/2023).